L’industrie de la musique a été
terrassée, d’abord
par l’effondrement des ventes de disques, ensuite par l’accès au tout
gratuit, presque équivalent à la logique du téléchargement légal, depuis
que Steve Job, ce héros des temps modernes, a imposé aux compagnies du disque
de vendre le mp3 au prix exorbitant de 0,99 cents. Autant dire qu’en terme de
pillage, c’était du grand art. Je m’excuse par avance auprès des fans de Steve
Jobs, mais chacun doit assumer ses actes face à l’histoire, et les faits sont
là, tels que relatés dans son propre biopic.
Le piratage, en tuant la valeur
financière et culturelle de la musique, a non seulement privé les artistes et
l’industrie de leurs revenus, mais les a également dépossédés du prestige qui
leur était dévolu au regard de leurs aptitudes à la création, ce « tout petit supplément d’âme » que chantait France Gall, qui
fait que non, tout le monde n’est pas, et tout le monde ne peut pas être un
artiste, un producteur, ou un directeur artistique. Entreriez-vous dans une
boulangerie pour prendre votre pain gratuitement, sans gêne devant votre
commerçante préférée ? Iriez-vous chez Renault, prendre leur dernier
modèle, sans le payer, et en repartant fièrement au volant la fleur aux
dents ? Vous le pourriez sans doute, à condition que les pouvoirs publics
vous y autorisent, de manière active ou passive, c’est-à-dire si la police
n’intervenait pas en cas de vols et que vous ne risquiez pas de passer au
tribunal. C’est pourtant ce que l’on a fait à l’industrie de la musique :
on a laissé les voleurs de sacs à main prendre tout ce qui était à leur portée
sans intervenir, donc en leur accordant la bénédiction des divers pouvoirs
successifs en place depuis maintenant plus de 15 ans !
La fragile, fantomatique et décriée loi
Hadopi a montré les limites de la volonté politique dans ce domaine. La seule tentative réelle de
mettre un terme à cette escroquerie mondiale s’est rapidement trouvé confrontée
à la frilosité des élus, qui ont si peur d’appeler un chat un chat, parce qu’un voleur, c’est toujours une
voix potentielle.
Ce n’est pas seulement une honte, c’est aussi et surtout une faute politique,
culturelle et économique impardonnable : tant d’emplois sacrifiés, de
richesses abandonnées au moins offrant, de productivité broyée ! L’argent
de la musique, qui n’existe plus, ne peut plus être redistribué dans l’économie
réelle. La disparition subite de la plupart des majors de l’industrie a laissé
tout le monde sur le carreau. Celles qui survivent sont sans cesse sur le
qui-vive, et dans la peur que leur tour arrive. Pourtant, les propos de Pascal
Nègre éclairent le public et l’opinion sur une réalité bien évidente :
aucun artiste ne peut faire une véritable carrière sans le soutien d’une maison
de disque. En spoliant les artistes, Steve Jobs et les pirates du monde entier
ont aussi dépouillé ceux qui donnaient aux artistes les moyens de vivre et
d’être produits. Aucun autre métier, à notre époque, n’a subi un tel mépris de
la part du public et des autorités : le cinéma continue à vendre des billets,
et les jeunes achètent toujours des jeux vidéos.
La conséquence réelle apparaît
aujourd’hui très clairement : les artistes, pour ce qu’il en reste, sont
devenus les vaches à lait des social networks. Ils doivent payer pour tout,
s’exposer, se faire entendre, attirer l’attention, gagner des fans,
envoyer leurs titres aux radios, faire des communiqués de presse, gérer
une newsletter, avoir accès à la distribution digitale. L’abime financier est
sans fond, car ils doivent aussi et surtout, avant même de
« communiquer », se ruiner pour enregistrer leur musique… Mais que
dis-je ? Où enregistrer, d’ailleurs, puisque la plupart des studios ont
également passé l’arme à gauche au cours de ces dernières années. Si jamais ils
y parviennent néanmoins, à grands renforts de crowfunding et d’argent donné par
la grand-mère de leur band, Facebook, Google, Youtube et tant d’autres,
s’empresseront de leur demander encore plus d’argent, alors qu’ils vivent grâce
aux contenus qu’ils leur fournissent, simplement pour faire connaire un
«événement », apparaître décemment sur le moteur de recherche, ou glaner
plus de vues sur leurs vidéos. Il faudra encore qu’ils achètent des like, des espaces de promotion, et dieu
sait quoi encore.
La démultiplication des
"services" aux artistes, principalement sur la toile, montre à quel
point on les prend pour la poule aux œufs d’or, et la logique est
imparable : puisque le public, habitué à la gratuité, n’achète plus la
musique, c’est aux artistes de payer pour la faire et la faire circuler. On vendait autrefois la musique au
public, on vend désormais le public aux artistes. Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est
que désormais, les groupes qui veulent se produire sur scène doivent soit jouer
gratuitement, soit financer de leur poche la production de leur
spectacle, et la promotion qui s’en suit. La démarche est fort coûteuse, et peu
rentable. Il est temps, il est grand temps que les artistes et l’industrie
tout entière reprennent leur destin en main. L’ère de la gratuité s’achèvera
bientôt. Des start-up devenus des multinationales ne pourront pas continuer à
engranger des milliards sur le dos des artistes et des producteurs, sans que la
roue ne tourne : il suffit que les stars mondiales de la musique se
mettent soudainement à boycotter Youtube, et qu’en restera-t-il ? Une
faillite à la Lehman Brother, exemplaire, radicale, stupide. Artistes ou
producteurs, indépendants ou majors, nous ne devons plus accepter que notre
travail, nos efforts, nos investissements soient ainsi réduits à néant pour des
profits jamais redistribués. Il n’est pas tolérable que l’on puisse
impunément, en regardant n’importe quel vidéo sur Youtube, en récupérer la
chanson ou la musique qui l’accompagne, gratuitement, et la télécharger ensuite
sur son ordinateur ou son téléphone portable, comme le font aujourd’hui les
adolescents du monde entier grâce à de petites applications elles aussi
gratuites. Qui autorise cela, et qui laisse faire ? Plus l’industrie de la
musique agonise, plus ceux qui en profitent se renforcent.
La question que l’on peut
légitimement se poser, c’est pourquoi Steve Jobs n’a pas imposé aux
distributeurs Apple de vendre ses ordinateurs à 10 euros ?
La musique n’a pas de prix. C’est
pour cette raison qu’il faut l’acheter.
HISTOIRE D’UNE RITOURNELLE - MAXIME LE FORESTIER - FONTENAY AUX ROSES
Il en va des
chansons comme des personnalités : certaines traversent les époques pour
s’inscrire dans la conscience collective. Elles seront jouées, reprises et
chantées, des décennies après leur création, par les guitaristes en herbes, les
amoureux de la langue, les artistes reconnaissants ou nostalgiques. Parfois
même, récompense suprême pour leurs auteurs, elles seront étudiées à l’école.
Le répertoire de Maxime Le Forestier nous
lègue ainsi quelques perles, qui font désormais partie du patrimoine, tout
particulièrement les chansons de son premier album, Mon frère,
sorti en 1972. Reflet d’une nouvelle génération, ou peut-être plus amplement
d’une époque, il semble tout entier touché par la grâce, emprunt d’une rare
poésie où le sens du mot juste épousait encore la virtuosité de mélodies
inoubliables.
En effet, lorsqu’il
quitta Paris en 1911, Léautaud vint s’installer avec sa compagne du moment,
Blanche, à Fontenay aux roses. Il vécut d’abord rue Ledru-Rollin, au numéro 19,
puis dès 1912, prit ses quartiers au 24 rue Guérard, adresse à laquelle Blanche
avait tout d’abord tenté de créer une pension de famille qui s’avéra peu
rentable. Il y restera d’ailleurs 44 ans, jusqu’à sa mort à
Chatenay-Malabry dans l’ancienne maison de Chateaubriand.
La maison de Paul Léautaud à Fontenay aux roses
Le mode de vie de
Léautaud, qui traversa ces décennies dans un dénuement intense, entouré
d’animaux innombrables, dont Guenette, sa guenon, lui valut le surnom d’ «
Ermite de Fontenay ». On sait par ses écrits, ses interviews avec Robert Mallet et
les nombreux témoignages des fontenaisiens d’alors, à quel point Léautaud
détestait la gent humaine. Associable au plus haut point, misogyne et d’une intolérance
fascisante, antisémite et collaborateur ou pro allemand selon son humeur,
devenu érotomane après la quarantaine, on sait également qu’il avait une vie
sexuelle peu orthodoxe, racontée en détail dans sonJournal particulier.
« C’est la
première fois que je suis amoureux
De tout un
pensionnat. »
Kernoa a donc fort
joliment romancé les choses. La maison de la rue Guérard où vivait
Léautaud se trouve en effet très éloignée du pensionnat en question. Et pour
cause, ledit pensionnat était en réalité l’Ecole normale supérieure de
Fontenay,, créée en 1880 par un décret de Jules Ferry, qui
formait alors les futures institutrices à l’enseignement en école primaire.
Elle est aujourd’hui devenue la résidence universitaire Olympe
de Gouge, avenue Lombart, à proximité de la gare de
Fontenay aux roses. L'ENS, elle, a été déménagée à Lyon.
Le narrateur ne
pouvait donc voir passer toutes ces jeunes filles à « l’angle
de (sa) rue. » Plus
probablement, dans les faits, Léautaud, dont le voyeurisme était légendaire,
devait profiter de ses allers-retours quotidiens au Mercure de France, où il
travaillait et se rendait en train, pour s’offrir le si doux spectacle à
ses yeux de ces « petites » qu’il « devinait
nues un roman à la main »en « s’imaginant
des choses insensées ».
C’est tout le
talent des grands créateurs : sublimer un quotidien des plus prosaïques
pour un tirer un chef d’œuvre de poésie qui traverse le temps et l'histoire. La
composition de Maxime Le Forestier et le texte de Jean-Pierre Kernoa en
constituent l’accord parfait, en rendant, par incidence, hommage à la charmante
ville de Fontenay aux roses.
Il s’est écoulé dix
ans entre Rouge sang et son nouvel album.
Dix longues années de silence, d’attente, d’inquiétude, d’articles douteux,
vrais ou faux, bienveillants ou cyniques, nous exposant ses déboires, avec
l’alcool, avec la vie, avec les femmes qu’il n’a plus, avec lui-même. Hormis
l'intermède Molly Malone, dix longues années de tristesse, parfois, à se
demander s’il nous reviendra, s’il s’en sortira, s’il a toujours la rage, la
haine, la verve, l’envie, le besoin, l’amour, la colère…
Mais Renaud s’en
sort toujours. Parce qu’il a des enfants, et des amis, dans l’amour desquels il
trouve la force de réagir. Parce que nous sommes là, comme il l’est pour nous,
depuis 1975. Et parce que c’est le dernier poète de notre époque. Mistral gagnant,
chanson préférée des français toutes catégories confondues, Renaud, l’anar
reconverti en parrain de la chanson, a explosé tous les records. C’est notre
ami à tous, notre poteau, notre frangin. Pendant quatre décennies, il a nous
fait rire, pleurer, réfléchir. Aimer, aussi. Il nous a permis d’exulter nos
colères, de sortir de nos solitudes, de hurler nos injustices. Son
regard, tour à tour acide ou nostalgique, sombre ou fraternel, est aussi le
nôtre. Un peu. Depuis l’origine, il dit pour nous ce que l’on nous impose
de taire, ce que l’on nous empêche de dire. Nous avons partagé ses humeurs, ses
coups de sang, ses engagements, souvent aussi profonds qu’excessifs, comme
lorsqu’il partait chanter en Russie ; nous avons mêmes goûté ses lubies,
comme lorsqu’il rêvait de faire le tour du monde en bateau.
Notre vie à nous,
sans ses chansons ni sa personnalité, n’aurait pas été tout à fait la même,
assurément. Dans Société tu m’auras pas,
il jurait qu’il ne serait jamais « récupéré ». Une utopie parmi
d’autres, un sens, peut-être, parmi tant d’absurdités. Souvenons-nous de
l'époque où il devint indésirable dans les médias. Puis le temps, comme
d’habitude, fit son œuvre. Son retour, encore un, dévastateur, avec Manhattan Kaboul, l’assit définitivement au
rang de star de la chanson française. L’incontournable Renaud se taisait
pendant des années, mais chaque fois qu’il l’ouvrait à nouveau, il faisait un
carton. Plus personne ne pouvait lutter.
Son secret, c’est
la fidélité de son public, parce qu’il a tissé avec lui des liens si forts au
fil des années qu’aujourd’hui, il est l’un des seuls chanteurs de sa génération
dont même les jeunes connaissent les chansons, parce que leurs parents les leur
ont transmises. Renaud l’imprévisible nous rassemble tous et nous
l’aimons. Même quand il dit des conneries. Chanteur faussement voyou,
faussement méchant, faussement chanteur, mais au vrai grand cœur, toujours, à
la plume vicieuse et incessante, si généreuse, comme lui qui achetait des
maisons qu’il n’habitait jamais et prêtait aux copains.
J’ai embrassé un flic.
Le titre
d’ouverture sonne comme une provocation pour les fans de la première heure. Il
est loin le temps où Renaud chantait :
Y'a pas qu'les
mômes, dans la rue,
Qui m'collent
au cul pour une photo,
Y'a même des
flics qui me saluent,
Qui veulent que
j'signe dans leurs calots.
Moi, j'crache
dedans, et j'crie bien haut
Qu'le bleu
marine me fait gerber…
(Où c’est qu’j’ai mis mon
flingue ? - Marche à l’ombre, Polydor,1980)
Nous avons changé
d’époque, prétend-on ; il a évolué, prétend-il. Au son de la trompette de
Jean-François Berger, il a trouvé un flic qui « avait l’air sympathique ».
Michel Ohayon, qui tient les guitares et a composé une musique entrainante
rappelant Le Sirop de la rue,
a fort bien servi le texte. Une entrée en matière parfaitement juste dans la
facture et l’intention : Renaud est de retour, et la chanson suivante, Les
mots, le confirme. Cet hommage magnifique aux auteurs est un aveu. C’est sa
plume qui aide Renaud à supporter son passage sur terre, qui « rend la vie moins dégueulasse ».
Le cœur parle, sans fausse pudeur, et c’est d’ailleurs l’une des plus belles
qualités de cet album sans nom : aucun trucage, aucune tricherie. Piano,
guitare, accordéon. Renaud a vieilli, son monde intérieur a changé, le notre
aussi. Tout est authentique. De la tendresse, et tant de nostalgie !
Il nous émeut par
sa sincérité, sa fausse simplicité, ses vérités toujours bonnes à déranger,
juste de la simple sagesse. Il est décidément « Toujours debout »,
ressuscité encore une fois, revenant de nulle part et de partout, après avoir
visité tous les recoins perdus de son âme coléreuse et chimérique, écorchée par
ses propres désillusions. La belle Héloïse, poétique à rêver, nous emmène en
voyage romantique à Venise, avec sa petite-fille, loin des « cités qui s’amenuisent ».
Ohayon toujours aux guitares, discrètes et vigoureuses, et Jean-François
Berger, l’homme-orchestre, cette fois à l’accordéon. La facture est toujours au
rendez-vous, simple, jolie, efficace.
Après avoir passé
« la Nuit en taule, et la
journée aussi hélas », ambiance banjo et cajun, Renaud
parle au Petit bonhomme pour lequel il frissonne. Une belle balade en hommage à
son fiston, Malone, dans laquelle, d’un seul coup, on retrouve toute sa
tendresse et sa fragilité : des arrangements subtils et dépouillés, que le
hautbois de Joost Gils rend très aériens. Mais Renaud ne pouvait évidemment pas
sortir cet album sans une chanson sur l’Hyper Casher, car : « C’était la guerre tout près du métro
Saint-Mandé ». Des cordes sublimes, des arpèges de guitare
délicats, l’accordéon en écho à un texte où chaque mot est indispensable
et juste.
La voix,
chevrotante, certes, tremblante, déraille parfois, témoin de tous les abus de
tabac et d’alcool du chanteur, de ses excès émotionnels, de ses blessures,
d’amour, des cicatrices de ses doute, des fractures de ses lointaines bohèmes.
Lourde, abimée, notamment sur Mulholland Drive, où ressurgissent soudain les
guitares électriques, elle n’en est que plus vraie, plus sincère que jamais. Le
contraste avec la légèreté du refrain est saisissant, tant sa fragilité produit
un effet de profondeur inattendu.
Renaud aborde à son
habitude des thèmes contemporains : dans Dylan, composé par son vieux
complice Alain Lanty, qui a le goût des refrains efficaces, il rend hommage à
un adolescent emplatané par la faucheuse en sortie de boite alcoolisée. (Il
avait d’ailleurs écrit la chanson il y a longtemps, pour le deuxième album de
Romane Serda, Après la pluie,
en 2007, chez Virgin). Dans Petite fille slave, où l’on reconnaît la belle
patte de Renan Luce, il évoque l’exploitation sexuelle des jeunes filles de
l’est mises sur le trottoir de notre capitale, par des « mafieux, intouchables, protégés».
Le dernier titre, Ta batterie, écrite pour son fils Malone, est une chanson
particulière. Elle porte à la fois quelque de tendre et de désespéré, de la
profondeur et de la légèreté, contrairement au slam harponnant et hyper
sexué de la piste cachée, provocation gratuite et c'est tant mieux..
Il y a quelque
chose de plus pudique qu’à l’accoutumée dans cet album, et une économie de
moyens toute brélienne dans les arrangements et la réalisation de Michel
Ohayon. Des mélodies faciles, c'est évident, mais surtout, moins de colère et
de violence, plus de nostalgie : les coups de gueule laissent la place à
la lassitude, presque au renoncement, comme en témoigne La vie est moche et
c’est trop court, dans laquelle on retrouve la verve désespérée du chanteur,
toujours en quête d’amour et d’un monde meilleur. Cette chanson sur la
solitude, lancinante, sans emphase, juste ritournelle où reviennent les
fantômes des amis disparus, est sans doute la plus emblématique de sa mue
intérieure.
Le chanteur
autrefois énervant s’est volontiers rangé à l’avis de l’une de ses fans qui
l’avait comparé au phœnix. Mais l’écoute de ce nouvel album inspire plutôt
l’image du sphinx : sage et désabusé, immobile et clairvoyant, Renaud est
incontestablement notre dernier poète.
Ils sont trois, ils
sont jeunes. Ils sont intelligents, ils ont du talent et ils sont rock’n roll.
Yann, Lucas et Quentin rêvent de s’envoler vers les étoiles. C’est d’ailleurs
le nom de leur groupe, en latin s'il vous plaît :
Ad Astra (per
aspera)
“Vers les
étoiles ( à travers les obstacles)”
Ça commence
toujours comme ça : l’aventure de trois copains, qui, après avoir
longtemps travaillé séparément dans des groupes sans avenir, décident de se
réunir et de se mettre sérieusement à faire de la musique. Ensemble.
En 2013, signe des temps, ils se rencontrent, d’abord par internet, puis
bientôt en studio. L’alchimie est immédiate et durable : ils décident
qu’il n’y aura aucune limite, aucun répit, « aucune trêve pour leurs
rêves ».
Ils ont raison. Il
y a quelques mois, ils se sont déjà illustrés en enflammant le Bus Palladium.
Un groupe qui ne triche pas, comme on en entend peu à l’heure actuelle. Un
groupe qui ne cherche pas à fabriquer de la musique. Mais qui la fait.
Du rock, lourd,
pur, sans fioriture : ça joue dans l’énergie, chacun à sa place, et ça
donne envie de se plonger l’âme et le corps dans leurs guitares néo-muséennes
pour un bon bain de saturation électro-acoustique. Yann, le chanteur, Le Nen de
son nom, a sans doute beaucoup écouté Bashung,
dont on retrouve les intonations profondes et l’intensité. Charmant défaut de
jeunesse, qu’il corrigera dans la fumée londonienne de leurs futures années de
concerts. Mais il y a également, dans cette voix obsédante, un flagrant écho
de Bertrand Cantat,
quand il commence à sortir ses tripes et nous montrer ce qu’il a dans le
ventre. On entend des fêlures, des cassures, de la rage, un peu. Et
beaucoup de sensibilité. Quelque chose qui vient de l'intérieur...
Ils n’ont pas la
folie des grandeurs, pourtant. Au contraire, ils ont une qualité devenue bien
rare chez les musiciens d’aujourd’hui, qui a pourtant toujours été la marque
des grands : l’humilité. Même dans leurs textes, elle s’exprime. Le sens
du mot juste s’allie à une sourde modernité d’écriture, ponctuée par des
saillies cinglantes, mais toujours accessible, émotionnelle, presque
charnelle : « Sans aucune peur tu m’as
saigné… »
Dès leur premier
titre, La flamme,
le ton est donné : la batterie de Quentin Garreau envahit l’espace et
le temps. C’est leur vaisseau spatial. La basse de Lucas Nilsson, elle,
adoucit l’ambiance en liant les violences parallèles du morceau, en
montrant ses beautés harmoniques. Personne ne fait semblant.
Ad Astra emmène aussitôt l’auditeur dans son
univers et prévient : « Nous irons jusqu’au bout. »De
la nuit, mais surtout de leur rêve, auquel ils tiennent tant. Paradoxalement,
il y a quelque chose de quantique dans leur musique. Elle sonne comme la
théorie du chaos quand le chaos s’organise pour nous donner le frisson.
Dans Un Royaume,
leur second titre, plus lancinant, la voix se lâche un peu. Les breaks aussi.
On s’éloigne de Bashung pour se rapprocher de Noir Désir :
« Tu joues
la reine et je fais le roi… »
Les guitares
s’entremêlent dans la déchirure d’un amour condamné, l’atmosphère
pré-apocalyptique de la fin « d’un royaume qui n’existe
pas. »Titre d’ambiance prometteur pour la suite, Un royaume ne fait aucune concession au formatage
exigible de la musique de supermarché pour forcer les barrages radio. La
sincérité prévaut dans ce que la chanson doit porter, du sens et de l’émotion,
de l’énergie et du désespoir, de la colère vraie pour transcender l’envie de
vivre, pleine « de fureur ».
Comme une
invitation à les suivre à bord de leur vaisseau, le mot partage est omniprésent
dans la démarche des jeunes musiciens. D’ailleurs, leurs premiers titres
sont disponibles en téléchargement gratuit, en échange d’une simple
inscription à leur newsletter sur leur site internet : http://adastraofficial.com /
Très actifs, ils
publient un nouveau vlog chaque semaine sur leur chaine Youtube,
pour permettre à leur public, chaque jour plus grand, de suivre l’évolution de
leur travail en direct. Ad Astra est
un groupe à découvrir, prometteur et dont l’avenir nous parlera sûrement. Yann,
Lucas et Quentin ont décidément envie de voyage.
Nous leur
souhaitons un long chemin à travers les étoiles.
MUSIQUEPosted by Le blog de Sylvain Moraillon Thu, January 04, 2018 16:17:37 Il y a des albums uniques dans la
carrière des artistes. Ils peuvent surgir à n’importe quel moment, de la
manière la plus inattendue, comme une offrande au monde après un long silence.
Christophe, prince flamboyant parmi les ombres, a sans doute réalisé,
avec Les Vestiges du Chaos, son plus bel
album. Celui de la maturité, orchestrale, vocale, mélodique. Il s’est hissé
au-dessus des autres, et de lui-même, comme s'il avait mis fin à une certaine
errance, ou peut-être, enfin, trouvé quelque chose.
Dans le paysage musical actuel, le 13ème
opus du crooner pop détone. Par sa profondeur, d’abord. Par sa perfection,
ensuite. Christophe n’avait pas produit de nouvel album depuis bientôt huit
ans. 8, comme l’infini, qu’il a dû parcourir dans l’intervalle pour y
découvrir, au fil de ses escales, des perles comme Drone, ou Dangereuse. L’album tout entier est un
voyage dans l’espace-temps, qui nous aimante jusqu’aux centres pluriels de
son amplitude. Christophe a rencontré le soleil quelque part dans sa nuit existentielle,
qu’il chérit tant, et il revient plus lumineux, plus incandescent que jamais.
Poète rock romantique, anarchiste harmonique, inclassable, indéfinissable,
inatteignable, il joue désormais du clavier dans la stratosphère. « Je suis le plus embrasé »,
nous avoue-t-il, dans Définitivement. On le sait, on le sent,
on l’entend. On le voit, même, de si près qu’on a l’impression de pouvoir le
toucher. Et tout est là, dans cette illusion.
Des tableaux de rencontres, des
histoires d’amour vouées à la finitude, l’omniprésence du temps qui passe
donnent à l’album une gravité inattendue. Christophe repeint inlassablement le
même tableau avec mille teintes différentes, la vie qui s’écoule sans retour,
en filigrane, et dont il faut pourtant tenter de conquérir, sans cesse, la
poésie et la beauté. Il réussit là où tant d’autres échouent, à unir les
machines et l’émotion, à fondre la chanson française, dans laquelle il reste
malgré tout solidement ancré, à des programmations étonnantes de
fluidité.
" Tout en moi voudrait que tu
demeures…"
Même sa voix, pourtant capable de
largeurs, se prend à frissonner, à mesurer chaque émotion de manière presque
chirurgicale. Fragile, dans un souffle pudique, elle trahit discrètement une
certaine innocence retrouvée, comme dans Les mots fous. Parfois, c’est le son
d’un piano qui vient s’inventer de nouvelles raisons d’être, brisant le
monopole des synthétiseurs et des effets si nombreux, si habilement employés.
Chaque nouvelle séquence apporte une surprise auditive : ambiances,
rythmes, influences, phrasé mélodique.
Jean-Michel Jarre a écrit le texte
sur Les Vestiges du Chaos, et finalement,
si l’album porte précisément le nom de cette chanson, c’est
parce que l’expression elle-même, outre qu’elle soit forte et très
évocatrice, en résume parfaitement le caractère absolutiste. Rien ne résiste à
l’écoulement des secondes, des minutes, des années, des décennies. De tout ne
reste que les rencontres, fortuites, passionnées, vitales. C’est d’elles qu’est
fait cette album, où l’on retrouve à la fois Lou Reed, dans Lou, et Alan Vega, le chanteur du groupe Suicide, son idole, avec lequel il
s’offre un duo sur Tangerine. Le titre sonne étonnamment
club, il est probable qu’il soit rapidement repéré par quelques DJs en
quête de curiosités.
Au fil des chansons, on croise des
plumes talentueuses, comme celle de Claire Le Luhuern, Maud Nadal ou Laurie
Darmon. Des voix, celles de Julia Pello, de Nora Arnezeder, ou encore Anna Mouglalis. Le mélange des genres
et des influences se prolonge ainsi dans la vaste équipe qui a participé à
l'architecture du projet.
"En moi va l’irréversible."
Pour Christophe, comme pour Bashung, qu’on a l’impression
d’entendre dans la surprenante introduction des Vestiges du chaos, la forme sonore des
mots compte bien davantage que leur sens, presque parfaitement secondaire.
L’enveloppe du son, parlé ou chanté, importe avant tout. Par quel miracle cette
forme de poésie si difficile à travailler en chanson, matière peu propice au
surréalisme, parvient-elle à nous atteindre jusque dans notre intimité
émotionnelle et cognitive, c’est exactement ce qui constitue le mystère de la
création. Chacun des titres de cet album est d’ailleurs une superposition
d’univers parallèles, reliés les uns aux autres par un fluide invisible, fait
de silences, d’absences, de non-dits qui, paradoxalement, mettent en exergue
l’intensité de ce qui ce qui nous est subtilement montré, la part visible d’une
âme complexe et musicalement libre.
Les chansons s’égrènent, encore le temps
qui passe, dans un effet peut-être involontaire ou inconscient, mais palpable.
Christophe, grand amoureux du cinéma, réalise pourtant des tableaux avant tout.
Chaque titre s’impose comme une peinture, longuement travaillée pour atteindre
à la perfection sonore, mariant les touches de couleurs et les teintes
lumineuses indéfiniment dans un esthétisme pictural qui fait, qu’à 70 ans,
il est l’un des artistes francophones les plus modernes de notre
époque.
De collaborations en hommages, de chœurs
en programmations, plusieurs studios d’enregistrement ont été mis à
contribution. La réalisation elle-même entrelace les talents et les compétences
de Christophe lui-même, mais également de ses complices Clément Ducol, Maxime
Le Guil et Christophe Van Huffel, guitariste qui accompagnait déjà le chanteur
à l’Olympia en 2002, et qui avait également éalisé pour son compte Aimer ce que nous sommes en 2008.
La sublime ouverture d’E justo, titre d’une rare originalité,
un peu à part dans sa conception, en témoigne.
Somptueux et d’une grande
richesse, Les Vestiges du chaos fait partie
de ces rares albums qu’il faut impérativement avoir à portée de main, pour
l’écouter, encore et encore, afin de s’imprégner de la magie dont il est
façonné et tenter d’en comprendre le mystère. Assurément, il prouve que l’exigence
artistique que s’impose les créateurs respectueux de leur propre talent permet
encore de produire des œuvres qui feront date.
C’est vrai qu’il chante un peu comme un
titi parisien. C’est d’ailleurs ce qu’il est, un enfant de Montmartre. Thomas Pradeau a même parfois les
allures musicales d’un Thomas Dutronc. Il est rarement
flatteur de comparer un artiste à un autre, mais en l’occurrence il s’agit d’un
même genre auquel les deux interprètes appartiennent, une sorte de nouvelle
chanson française qui reprend paradoxalement les manières d’écrire et de
chanter d’autrefois.
Mélangeant l’insolence, la nonchalance
et l’énergie, il sort l’EP Le voici me voilà, en 2014, sur le
label Sherpa Music. Il contient 6 titres coréalisés avec Steven Forward dont la qualité
apporte un peu de fraicheur en cette période de désarroi musical. Il y a
quelques perles, comme Paris sans ta voix, quand on a « menti les je t’aime » et
qu’il ne reste plus qu’à boire « à
ses nuits qui nous baisent »…
Les arrangements efficaces et dépouillés
qui enrobent les titres leur donnent ce caractère déjà traditionnel qui les
inscrit hors du temps : guitare acoustique, basse, piano, violon et
violoncelle, quelques cuivres et l’indétrônable Hammond. Tout est dit, chanté
et joué en finesse, dans une parfaite maitrise musicale et émotionnelle. La
voix s’exprime en effet dans la douceur, chaleureuse et voilée juste ce qu’il
faut d’une belle âpreté, comme en témoigne Elena, cette « réplique d’une héroïne épique de manga ».
L’artiste, autodidacte et repéré
sur My Major Company par le fils
Goldman, a la plume facile. Il est à l’aise dans les jeux de mots, qu’il
affectionne. Humour et détachement masquent à peine leur fatalisme sous-jacent.
Thomas Pradeau est un véritable auteur, à découvrir. S’il est moins à l’aise,
musicalement, sur un titre un peu plus rock comme L’hôtesse de l’air, assurément moins
réussi, il se rattrape sur le très radiophonique T’aimer tue, dont le refrain est d’une
redoutable efficacité et qui déjà bien tourné sur les ondes cet été.
On peut toutefois regretter que les
thèmes abordés manquent parfois d’originalité, comme celui de la dualité
dans Le voici me voilà, déjà si bien traité
par Gainsbourg ou Renaud. Mais il est probable qu’ils
évoluent au fil du temps, car un auteur d’une telle personnalité ne saurait se
contenter d’écrire des chansons d’amour sur l’absence, le manque ou la rupture,
fut-ce avec impertinence et talent.
Rares sont les
auteurs-compositeurs-interprètes qui savent allier l’exigence de la facture
classique à la modernité de l’écriture. Thomas Pradeau en fait partie. Il ne
fait aucun doute que c’est un artiste dont on parlera de plus en plus dans les
années qui viennent, car le talent, devenu si rare, finit toujours par faire
son chemin.
On peut venir tardivement à la
musique. Ou
plutôt, la porter depuis toujours, l’avoir refrénée des années durant, puis
céder au besoin irrépressible de l’exprimer publiquement. Parce qu’on la porte
en soi, parce qu’elle doit rejaillir et se partager avec les autres, ceux qui
l’écoutent, ceux qui l’aiment, ceux auxquels elle fait encore du bien. En
réalité, Solveig a toujours chanté,
composé, écrit. Danser, même, ou fait du théâtre. Polyvalente et passionnée, elle
s’est finalement jetée dans le grand bain en 2015 en commettant son premier
album, « Bienvenue 2.0 ».
Produit par Kalista, il a récemment été réédité avec quatre titres bonus pour
le plus grand bonheur des « funs » de Solveig, comme elle aime à
appeler ses fans.
Solveig est un soleil. Lumineuse,
brillante, elle chante comme elle écrit, avec intelligence. Elle ouvre les bras
au public, avec humilité. D’ailleurs, le single extrait de son premier album
s’appelle tout simplement « Bienvenue ». Le clip est
frais, avec juste ce qu’il qu’il faut de pointe d’audace, pour nous rappeler
que les artistes sont là, aussi, l’air de rien, pour transgresser – un
peu.
C’est ce qui rend ses textes si
percutants, leur douce insolence, leur détachement, leur ironie. Tout est en
filigrane, nous obligeant à l'écouter, pour notre plus grand plaisir.
L’artiste multiplie les genres musicaux, ce qui la
distingue, indéfinissable : jazz, pop, funk, soul, chanson à textes,
le tout dans un mélange d’une cohérence étonnante. Elle se complait dans des
rythmes bien souvent chaloupés. Elle nous donne
alors envie de nous déhancher, puis, soudain, nous enveloppe dans
une voix sensuelle capable de nous emporter très loin, comme lorsqu’elle
reprend Halleluja en concert et que
la profondeur de ses graves semble s’enraciner dans une vibration ancestrale
venue du cœur des âges. Graves, du reste, qu'elle devrait exploiter, et
explorer davantage.
Étonnante, vraiment, cette artiste hors
des rangs.
Il y a sur l’album de forts jolis titres, comme « Fais tourner la terre », dont la
réalisation acoustique est particulièrement réussie. Son acolyte, René de Waël,
arrangeur et réalisateur de la majorité des titres, avec elle, l’a bien servie.
Elle aime les chœurs, les belles guitares, les sonorités chaudes - et
l’autodérision. « Un petit seau
d’eau sur mon égo, et puis, je réfléchis.(Un p’tit coup de vent)» ou encore, « Je crois bien que je cours après tout
et n’importe quoi (Je cours) ». Solveig a une manière bien à elle de sublimer les
thèmes du quotidien (« Mon chat »), en les ornant
de sa poétique délicatesse. « Je vole » vous emmène
à bord de l’avion, au-dessus de l’océan, léger comme le vent face aux grandes
étendues.
Sur scène, c’est encore une autre
facette du personnage qui s’exprime. Une silhouette reconnaissable entre toutes, très
percussive, agrémentée d’une gestuelle qui trahit, au contraire des doutes
égrenés par sa plume, une grande confiance en soi. Ou peut-être, plus
vraisemblablement, le bonheur de chanter, d’être enfin à sa place face au
public. Ses mains s’amusent sur son clavier, pianotent, tapotent, frappent
quelquefois. Son corps tente se maitriser dans un souci de rectitude et
d’équilibre, qui, paradoxalement, se réinvente dans un mouvement artistique et
cadencé. Le répertoire varie entre les reprises des standards de la soul, du
jazz ou du funk, et les chansons originales, avec une fluidité parfaitement
naturelle.
La pétillante Solveig a déjà plus d’une
centaine de concerts à son actif en France et en Europe. Elle se produit
régulièrement à Paris. Son album, « Bienvenue 2.0 », est disponible
sur les principales plateformes de téléchargement. Et le public ne s’y trompe
pas : elle a ainsi réussi à financer son premier clip grâce à une campagne
de crowfunding couronnée de succès sur Kisskissbangbang.
Si vous l’écoutez, et si vous allez la
voir sur scène, ce qui est encore le mieux, vous en tomberez forcément
amoureux.
Marjorie Lantz,
c’est avant tout une passion vivante. Celle du chant, et de l’amour, porté
comme une force invincible au-delà du chaos, par une voix d’une rare
sensibilité. Son premier album, Messages, disponible depuis le 13 avril dernier,
est le reflet d’une personnalité multicolore : entre douceur et violence
retenue, entre colère sage et mansuétude, entre pudeur et
sincérité.
Cet album, il lui aura fallu des années
pour le faire. Au fil des rencontres, des tentatives avortées, des doutes et de
l’espoir, Marjorie a chanté partout, devant tous les publics, dans toutes les
conditions, pour s’essayer, s’aventurer, se parfaire. Toujours avec la même
conviction, et la même énergie, habitée qu’elle a toujours été par la certitude
que son destin l’appelait devant le micro, et que ce premier album tant
attendu, tant fantasmé, finirait par voir le jour. C’est chose faite, et avec
grand bonheur, car une belle surprise est au rendez-vous. L’opus comporte dix
chansons, 5 en anglais, 5 en français. Marjorie a toujours mélangé les deux
langues dans ses concerts, partagée entre la chanson française et la pop
anglo-saxonne, qui l’inspire et dont elle a hérité une certaine manière de
chanter, élégante et envolée. Il y a de la puissance dans cette voix,
aujourd’hui à maturité, mais également un certain lyrisme.
C’est son mari, Jean-Sébastien
Lantz,
compagnon de toutes les ambitions, pour lequel le découragement n’existe pas,
qui compose toutes les musiques. On y retrouve un sens de la mélodie affinée, à
l’efficacité redoutable, comme sur Le
sens de tes secrets ou Waiting
for you,
singles potentiels qui pourraient résonner sur bon nombre de radios dans un
avenir proche. Une simplicité qui s’agrémente de quelques trouvailles musicales
particulièrement brillantes. D’ailleurs, le premier clip réalisé pour la
promotion de l’album, Just tell me
now,
en est le parfait exemple. À l’évidence, c’est dans le romantisme que
Marjorie s’exprime le mieux.
Si elle écrit la plupart de ses textes,
il lui arrive aussi de faire appel à des auteurs, en l’occurrence Jean-Pierre
Leroux, sur Jeanne et Regarde-nous, ou Sylvain
Moraillon,
sur Le
sens de tes secrets et Suivre
sa voix.
Or, suivre sa voie, c’est bien ce que fait Marjorie :
« Suivre sa voix
Pour devenir ce que l’on doit… »
Il y a quelque chose d’un peu mystique
dans cette œuvre, perceptible dans des titres comme Messages, justement, ou Le
sens de tes secrets. On y entend cette foi intense qui fait partie de
l’artiste, qui guide ses pas à travers la vie, qui établit des connections
entre les rêves, entre les mondes, entre les hommes. Mais n’est-ce pas le
propre du blues, enraciné dans la terre, dont on sent les influences derrière
les ambiances jazzy folk, les guitares pétillantes de Fabrice Dutour et de
Sylvain de Nicola ?
L’album sort en partenariat avec l’association
Zicomatic,
qui lutte contre l’isolement des personnes en situation de handicap à travers
l’accès à la culture. Pour chaque exemplaire vendu, un euro est reversé à
l’association. C’est toute la démarche de l’artiste qui se révèle à travers ce
choix, celui d’un humanisme engagé qui contribue au bonheur de tous et, pour
commencer, de ceux qui en ont le plus besoin.
Messages est un premier album à découvrir,
assurément, pour tous ceux qui aiment les vraies interprètes et la belle
chanson française, autant que le jazz ou le blues. Marjorie
Lantz s’impose
enfin pour ce qu’elle est : une grande artiste, et, peut-être, une future
diva.